Pourquoi démembrer un compte-titres ?


Le démembrement d’un compte titres est une pratique qui reste assez peu connue, mais qui est de plus en plus fréquente, notamment à l’occasion d’une succession ou d’une donation. Opération relativement complexe, elle suscite de nombreuses questions qui supposent un éclairage afin de cerner au mieux ce mécanisme qui peut s’avérer particulièrement intéressant.

 

Généralités sur le démembrement

Le démembrement d’un droit de propriété est une opération juridique qui intervient dans le cadre d’une stratégie patrimoniale, et qui consiste à séparer la propriété d’un bien entre l’usufruit et la nue-propriété. L’usufruit est le droit d’utiliser le bien (usus) et d’en percevoir les revenus (fructus), alors que la nue-propriété est le droit de disposer du bien (abusus). La pleine propriété correspond à la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété. L’usufruit est temporaire, pour une durée préalablement définie par convention ou pour une durée viagère. Lorsque l’usufruit s’éteint, le nu-propriétaire dispose de la pleine propriété du bien.

Plus connu lorsqu’il concerne les biens immobiliers, le démembrement s’applique à tous les biens, et notamment aux portefeuilles de titres. Toutefois, le démembrement compte titres est une opération plus complexe que pour un bien immobilier. Le revenu d’un portefeuille de titres peut être très fluctuant et sa gestion est souvent l’occasion de nombreux arbitrages afin de bénéficier au mieux des opportunités de marché. Ces arbitrages révèlent alors des intérêts qui peuvent souvent être divergents. L’usufruitier a tout intérêt à optimiser le portefeuille vers des actifs plus risqués apportant des revenus plus importants, alors que le nu-propriétaire est incité à détenir des titres moins rémunérateurs, mais ayant un potentiel de valorisation à plus long terme.

Il apparaît donc fondamental de définir le plus précisément possible le rôle de chacun dans la gestion d’un compte titres démembré.

 

Le fonctionnement du démembrement compte titres

Dans L’arrêt Baylet du 12 novembre 1998, la Cour de cassation a clarifié la situation en organisant les pouvoirs respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Cet arrêt a considéré un portefeuille de valeurs mobilières comme une universalité de fait, le démembrement ne s’applique donc pas sur chacun des titres, mais sur l’ensemble du portefeuille.

Cela autorise ainsi l’usufruitier à gérer seul le portefeuille sans avoir à obtenir l’accord du nu-propriétaire pour chaque opération. Il peut arbitrer seul les titres, sous réserve de préserver la substance du portefeuille en remplaçant les titres cédés, et il a un devoir d’information envers le nu-propriétaire.

Toutes les questions ne pouvant être tranchées, il est préférable de les régler de façon conventionnelle. La rédaction d’une convention entre l’usufruitier et le nu-propriétaire permet de faciliter la gestion du compte titres démembré, les deux parties définissant au préalable leurs droits et leurs devoirs pour préciser le fonctionnement du portefeuille.

 

La fiscalité du démembrement compte titres

L’usufruitier est soumis à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble des bénéfices générés par le portefeuille. De plus, concernant l’impôt de solidarité sur la fortune, la valeur du portefeuille est incluse dans le patrimoine de l’usufruitier.

En revanche, la plus-value résultant de la cession de titres est la plupart du temps imposée entre les mains du nu-propriétaire. Alors même qu’il ne perçoit rien du prix de vente et ne peut s’opposer à la cession des titres, celui-ci peut considérer cette imposition comme injustifiée. C’est pourquoi la convention rédigée entre l’usufruitier et le nu-propriétaire revêt une grande importance en ce qui concerne la répartition de la charge fiscale. La convention peut par exemple prévoir de faire peser l’impôt sur les plus-values sur l’usufruitier qui en garde les profits. Cette option doit être demandée de manière expresse auprès de l’établissement teneur de compte et est irrévocable.