Qu'est ce que la clause bénéficiaire ?


Vous disposez d'un contrat d'assurance-vie ou vous désirez en souscrire un, la clause bénéficiaire est l'un des éléments dont vous devez prendre en compte. Voici les explications de cette clause crutiale. 

 

Démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie

On l’a assez dit sur ce site, il est possible de démembrer des biens immobiliers, c’est à dire de scinder le bien en deux parties légales, la nue-propriété et l’usufruit (cf l’article 581 du Code Civil). Ce que l’on sait moins, c’est que ces dispositions s’appliquent également aux contrats d’assurance vie. Et oui, il est possible et souvent judicieux de démembrer ce que l’on appelle la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie. Cette technique, relativement récente, puisque introduite dans les années 1980, a connu son heure de gloire à la fin des années 2000, pour susciter un peu moins d’adeptes depuis 2011 et le durcissement de la fiscalité des nus-propriétaires. Malgré cela, démembrer la clause bénéficiaire de son assurance vie peut souvent s’avérer rentable et aider à préparer sa succession. 

Attention ce principe ne doit pas être confondu avec un démembrement dit « à l’entrée », c’est-à-dire lorsque le contrat est ouvert avec deux co-souscripteurs, l’un nu-propriétaire, l’autre usufruitier. Ici, c’est la clause bénéficiaire qui se voit démembrée.

 

La clause bénéficiaire : Le principe général

Cette technique de démembrement prévoit que les sommes versées sur le contrat d’assurance vie par le souscripteur soient démembrées au décès de celui-ci. Ainsi seront désignés un usufruitier (ou plutôt quasi-usufruitier), ainsi qu’un ou plusieurs nu(s)-propriétaire(s). L’intégralité des primes versées ainsi que les fruits de ce capital reviendront au décès du souscripteur à l’usufruitier pour un temps donné ou jusqu’à son propre décès. On l’appellera de préférence le quasi-usufruitier puisque celui-ci dispose de plus de droits sur le contrat qu’un usufruitier d’un bien immobilier par exemple, étant donné que le bien en question est une somme d’argent et donc un bien « consommable ».

Le ou les nus-propriétaires récupèreront l’intégralité de la somme au décès du quasi-usufruitier (excepté en cas de clause différente). Le quasi-usufruitier a donc le droit de dépenser l’argent du contrat. Cependant, les sommes dépensées constitueront une créance envers le nu-propriétaire, créance qui sera imputée lors de la succession du quasi-usufruitier. 

La situation la plus courante est qu’un époux désigne via cette clause bénéficiaire démembrée, son épouse (ou inversement) en tant que quasi-usufruitier, tandis que le ou les enfants sont désignés nus-propriétaires. C’est un excellent moyen de protéger son mari ou sa femme devenu(e) veuf/veuve.

 

La loi et la fiscalité

L’intérêt majeur de ce démembrement, avec la protection de son époux/épouse, est l’exonération fiscale. En effet, les droits de succession à payer lors du décès de souscripteur sont réduits grâce aux avantages liés à l’assurance vie et au démembrement.

Tout d’abord, expliquons pourquoi ce système a connu un tel succès entre 2008 et 2011.

Traditionnellement, le droit français décide d’imposer les utilisateurs des biens. C’est pourquoi, lors de démembrements immobiliers, seul l’usufruitier est soumis à l’impôt (exceptées diverses charges imputées au nu-propriétaire.) Si le cas de la clause démembrée en assurance vie est resté flou plus longtemps, la réponse ministérielle à la question de Serge Dassault fin 2007 a clarifié cette situation. Le gouvernement confirme alors que seul l’usufruitier est redevable des 20% de prélèvements au titre des droits de succession.

Or, en 2007 également est instaurée la loi dite « Tepa », qui exonère les époux de droits de successions sur les contrats d’assurance vie dont ils ont été désignés bénéficiaires. À ce titre, il était possible à partir de 2008, de bénéficier d’un montage parfaitement optimisé quant aux droits de succession. L’époux survivant bénéficiaire et usufruitier était le seul redevable de l’impôt mais exonéré en vertu de la loi Tepa, et ce quel que soit le montant du capital versé, pour peu qu’il l’ait été avant les 70 ans du souscripteur (les sommes versées après les 70 ans du souscripteur dépassant 30 500€ étaient imposées selon le barème de l’article 669 du CGI).

Cependant, ce procédé a été durci fiscalement en 2011 puisque la loi de finance rectificative de juillet 2011 soumet désormais usufruitier ET nu-propriétaire à la fiscalité de succession. Si l’usufruitier est le conjoint du souscripteur, il sera bien exonéré. Cependant, le nu-propriétaire sera lui aussi assujetti aux droits de succession et ce au prorata de la valeur de sa nue-propriété (cf le barème usufruit/nue-propriété article 669 CGI) et en bénéficiant des abattements prévus.

 

Exemple d’un démembrement d’une clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie

Pour être plus clair quant à cette imposition, nous vous proposons ici un exemple concret pour mieux comprendre la fiscalité afférente à cette transmission.

Gomez a ouvert une assurance vie en 2001 et y a versé 500 000€, fruits de la vente du manoir familial. Il avait alors 60 ans. Investisseur éclairé, Gomez avait choisi une assurance vie performante, si bien que son assurance s’élève désormais à 880 000€ (et des poussières). Prévoyant, Gomez a fait rédiger une clause bénéficiaire démembrée. Son bénéficiaire ? Morticia, sa femme. Et les nus-propriétaires, Mercredi sa fille et Pugsley son fils.

Au décès de Gomez en 2013, Morticia et ses enfants deviennent respectivement quasi-usufruitière et nus-propriétaires de ce contrat d’assurance vie. Morticia est alors âgée de 69 ans, son usufruit vaut alors 40% de la valeur totale soit 352 000€. Et la nue-propriété a pour valeur528 000€. Morticia bénéficie de la loi Tepa et est exonérée de droits de succession. Mercredi et Pugsley n’ont pas cette chance mais disposent chacun d’un abattement de 152 000€ au prorata de la valeur de leur nue-propriété, c’est-à-dire 60% ou encore 91 200€ d’abattement chacun.

Ils devront donc s’acquitter chacun de :

Base imposable : (880 000€ x 60% x ½) – 91 200€= 172 800€

En deça de la limite (actuelle) 902 838€ après abattements, le taux d’imposition est de 20%.

Impôt dû= 172 800€ x 20%= 34 560€

Mercredi et Pugsley devront donc s’acquitter de près de 35 000€ d’impôts. S’ils avaient été désignés directement bénéficiaires, cette imposition se serait élevée à 57 600€.

Attention, le taux majoré à 25% pour les sommes dépassant les 902 838€ a été rehaussé à 31,25% et ce à partir d’un plafond abaissé à 700 000€ après abattements. Cela sera effectif le 30 juin 2014. La loi prévoit toutefois un abattement supplémentaire dans le cadre des contrats vie-génération.

 

Avantage du démembrement de la clause bénéficiaire

On l’a déjà bien évoqué, le principal avantage de ce montage est l’allègement de la fiscalité puis-qu’ainsi il est possible de bénéficier de l’avantage fiscal lié au démembrement et de l’optimisation due au démembrement de propriété.

Ensuite, le deuxième avantage est la protection (dans le cas classique d’un démembrement de la clause bénéficiaire conférant usufruit au conjoint et nue-propriété aux enfants) du conjoint lors du décès du souscripteur. Le conjoint survivant peut ainsi disposer d’une réserve de capital qui peut s’avérer nécessaire notamment en cas de mariage sous la séparation des biens puisque dans cette situation le conjoint survivant ne touche « que » ¼ des biens personnels du conjoint décédé.

 

Inconvénients et risques

Comme on l’a vu, ce type de montage protège surtout le quasi-usufruitier. Et c’est là que se situe le principal inconvénient. En effet, le risque majeur est que l’usufruitier ne dilapide le capital. Le montant total du capital constitue une créance remise aux nus-propriétaires au décès de l’usufruitier (ou à la fin du démembrement s’il est temporaire).

Toutefois, il est possible que les actifs successoraux de l’usufruitier ne suffisent pas à couvrir cette créance à ce moment. On peut aussi préciser que dans ce montage particulier, on dit du nu-propriétaire qu’il est un créancier « chirographaire ». Cela signifie qu’il n’est pas prioritaire dans la ligne de remboursement. Ce sont les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui seront remboursés en premier.

Ensuite, il est nécessaire de se faire conseiller par des professionnels pour la rédaction de la clause bénéficiaire afin de prévoir différents « détails ». Par exemple la revalorisation du capital pendant la durée du démembrement afin de contrer l’inflation pour que les nus-propriétaires ne se trouvent pas lésés. Ce cas en particulier demande un enregistrement légal, par acte notarié par exemple. Cela permet aussi d’assurer une traçabilité du montage afin d’éviter sa double imposition au décès de l’usufruitier.

Ensuite, il peut être mentionné dans la clause une obligation de réemploi, afin d’éviter la dilapidation du capital. Mais ceci réduit fortement la liberté de l’usufruitier.

Enfin, pour permettre à usufruitier et nus-propriétaires de payer les frais de succession (pour l’usufruitier si celui-ci n’est pas le conjoint du souscripteur et qu’une clause de réemploi a été signée), il est essentiel de prévoir une disponibilité du capital. Pour le nu-propriétaire cela se traduit par soit un versement direct d’une part du capital pour payer les droits soit par un prêt de l’usufruitier au nu-propriétaire.

 

Notre avis sur la clause bénéficiaire

Le démembrement de la clause bénéficiaire d’une assurance vie est un excellent moyen de préparer sa succession et de mettre à l’abri ses proches. Si la situation la plus courante est de désigner son conjoint usufruitier, et ses enfants nus-propriétaires, un autre montage, moins intéressant fiscalement, consiste par exemple à donner l’usufruit à ses enfants et la nue-propriété à ses petits-enfants. Pour autant, ce démembrement est complexe et peut occasionner des tensions si toutes les dispositions n’ont pas été prises lors de sa rédaction et toutes les situations possibles étudiées. On ne pourrait que conseiller aux intéressés de se tourner vers des spécialistes pour étudier chaque situation au cas par cas.